Quotidien du Médecin du 24/09/2012 – Sylvie DELANIAN Praticien Hospitalier
Correspondance : Dr Sylvie DELANIAN. Radiopathologie. Service d’Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Saint-Louis, APHP, Paris. 1 ave Claude Vellefaux 75010 Paris. Tél : 01 42 49 90 33 – Fax : 01 42 49 44 67 – E-mail : sylvie.delanian@aphp.fr
Si plexite radio-induite (PRI) est un événement exceptionnel (cf 1ère partie), elle présente par sa gravité une préoccupation thérapeutique chez les cancéreux guéris « longs-survivants » où patients comme soignants ont souvent « oublié » l’irradiation réalisée plusieurs années voire décennies auparavant. La connaissance physiopathologique des mécanismes impliqués dans la genèse de ces lésions neurologiques a pu permettre d’optimiser la prise en charge de type étiologique.
1- Description histologique
La PRI est l’aboutissement d’un phénomène dynamique chronique induit par l’irradiation après une atteinte directe des axones et cellules de Schwann, et une atteinte indirecte avec compression périnerveuse par la fibrose radio-induite. L’étude pathologique révèle des remaniements fibreux sclérohyalins compressifs engainant le plexus : démyélinisation, perte axonale et oblitération des micro-vaisseaux de l’épinèvre. Le processus fibrotique radio-induit est une cicatrisation pathologique où les principaux états d’équilibre cellulaires et moléculaires ont disparu : déséquilibre entre état prolifératif/quiescent des fibroblastes, entre synthèse/dégradation de la matrice extracellulaire, la présence permanente d’un infiltrat inflammatoire, et la destruction progressive du “tissu envahi” (le nerf en l’occurrence).
2- Physiopathologie
La fibrose radio-induite est limitée au volume irradié et évolue schématiquement en trois phases sous l’impulsion de poussées inflammatoires. La phase initiale préfibrotique est caractérisée par une inflammation chronique aspécifique organisée par la cellule endothéliale. Puis la phase fibreuse constituée, avec un tissu très cellularisé, est dominée par la présence des fibroblastes. Enfin, une densification du tissu fibreux s’établit par remodelages successifs de la matrice extracellulaire déposée.
3- Principes thérapeutiques
Il n’existe pas de traitement curatif de référence. La prise en charge des PRI est de fait symptomatique : antalgiques, rivotril®, hexaquine®. La kinésithérapie doit être douce, tout en évitant le port de charges lourdes et les mouvements amples du membre supérieur, afin d’éviter tout étirement d’un plexus figé dans la fibrose, pouvant entraîner une décompensation neurologique brutale. La fibrose radio-induite associée a longtemps été considérée comme irréversible, son traitement se réduisant aux anti-inflammatoires (corticoïde) lors des poussées.
La réversibilité partielle du processus fibrotique radio-induit via la voie antioxydante en particulier avec l’association pentoxifylline-tocopherol a été décrite depuis 15 ans : l’action antifibrosante est basée sur la synergie des substances médicamenteuses, bien qu’isolément elles ne soient pas opérantes. Delanian et al a montré en phase II, randomisé puis essai à long terme, que l’association quotidienne de 800 mg de pentoxifylline (Pentoflux®) et de 1000mg de tocopherol (vitamine E, Toco 500 ®) réduisait en moyenne la surface de la fibrose radio-induite de moitié à 6 mois, avec une régression exponentielle de 2/3 en 2 ans, sous réserve d’un effet rebond à l’arrêt du traitement si celui-ci était interrompu avant 12 mois.
Une trithérapie PENTOCLO, après adjonction de clodronate (Clastoban 800 ®) a ensuite été développée dans l’ostéoradionécrose sévère depuis 10 ans. Dans l’ostéoradionécrose mandibulaire, 54 patients réfractaires depuis 16 mois, ont eu une réponse exponentielle de ½ à 3 mois, ¾ à 6 mois et cicatrisation complète à 9 mois de leur exposition osseuse endobuccale, soulignant l’effet curatif significatif et conservateur très novateur du traitement. L’association PENTOCLO utilisée dans la plexite radio-induite a ensuite permis d’obtenir une réduction partielle progressive et significative de la symptomatologie neurologique des patients en phase II. Ces premiers résultats ont permis d’obtenir un financement ministériel (PHRC 2009) pour tester cette hypothèse dans le cadre d’un essai thérapeutique randomisé en cours à l’APHP Hôpital Saint-Louis (Dr Sylvie Delanian) / Hôpital Salpêtrière (Dr Pierre François Pradat).
4- Conclusion
La plexite radio-induite est une lésion nerveuse périphérique après une radiothérapie oubliée depuis longtemps chez un patient cancéreux guéri. Cliniquement, la plexite brachiale tardive est la plus fréquente et de mauvais pronostic fonctionnel. Le meilleur traitement est la prévention par la qualité technique de l’irradiation et la désescalade de dose d’irradiation pour les futurs « longs survivants ». Les mécanismes mis en jeu impliquent la fibrose radio-induite et un espoir thérapeutique antifibrosant à visée curative est né de la voie antioxydante : un essai thérapeutique PHRC national est en cours testant cette hypothèse novatrice dans la plexite radio-induite débutante.
REFERENCES 1. Delanian S, Lefaix J-L. Current management for late normal tissue injury : radiation-induced fibrosis and necrosis. Semin Radiat Oncol 2007 ; 17 : 99-107 2. Delanian S, Lefaix JL, Maisonobe T, Salachas F, Pradat P-F. Significant clinical improvement in radiation-induced lumbosacral polyradiculopathy by a treatment combining pentoxifylline, tocopherol and clodronate (PENTOCLO). J Neurol Sci 2008, 275 : 164-166 2. Delanian S, Chatel C, Porcher R, Depondt J, Lefaix JL. Complete restoration of refractory mandibular osteoradionecrosis by prolonged treatment with a pentoxifylline-tocopherol-clodronate combination (PENTOCLO) : a phase II trial. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2011, 80 : 832-39
Figure illustrant une patiente avec plexite du membre supérieur : ancien volume axillo-sus-claviculaire irradié dessiné sur la patiente par la fibrose et l’atrophie sous-cutanée thoracique supérieure droite (flèche sur le trouble moteur de la main et de l’épaule) et sur l’IRM en coupe frontale (flèche sur le plexus brachial gauche).