Une radiothérapie « sans complication » a-t-elle vu le jour ?

par Marie-Catherine VOZENIN,

Cheffe du Laboratoire de Radiooncologie du CHUV | Centre hospitalier universitaire vaudois
Professeure associée au service de Radio-Oncologie,
Centre hospitalier universitaire vaudois et Université de Lausanne
Présidente de l’ARSER Suisse

La radiothérapie est utilisée depuis plus d’un siècle pour traiter le cancer, seule ou associée à une chirurgie ou chimiothérapie. Avec les progrès technologiques, la radiothérapie a évolué régulièrement pour devenir aujourd’hui l’un des outils les plus performants et rentables dans la lutte contre le cancer, avec la moitié des patients atteints de cancer traités à un moment donné de la prise en charge.

Au cours des deux dernières décennies, les avancées technologiques (traitement plus ciblé, guidé par informatique) ont transformé la radiothérapie en un traitement précis et personnalisé. Néanmoins, le traitement de tumeurs plus résistantes, pouvant nécessiter une dose de radiothérapie plus importante pour obtenir un contrôle tumoral, reste limité par le risque de complications au niveau des tissus sains en raison du risque de séquelles chez les long-survivants du cancer et/ou par la progression du cancer par développement d’une récidive locale ou la survenue de métastases.

Par conséquent, la poursuite de l’amélioration de la radiothérapie par une radio-sensibilisation sélective de la tumeur reste le défi actuel de la communauté des chercheurs et médecins en radio-oncologie. Les dernières décennies ayant fait des progrès grâce à l‘amélioration des machines (passant du Cobalt à l’accélérateur linéaire) ou de l’utilisation de chimiothérapie radio-sensibilisante comme le cisplatine ou l’immunothérapie.

Dans ce contexte depuis quinze ans, mon équipe a conceptualisé et mis en œuvre une nouvelle approche en radiothérapie basée sur l’utilisation d’une irradiation à ultra-haut débit de dose (UHDR) qui permet de délivrer la dose d’irradiation en une fraction de seconde, alors que la radiothérapie standard nécessite plusieurs minutes. Nous avons appelé cette nouvelle méthode la radiothérapie FLASH (en anglais FLASH-RT). En plus d’être très rapide, la FLASH-RT a renversé nos connaissances en permettant de tuer les cellules tumorales sans complication au niveau des tissus sains.

Pour pouvoir proposer ce traitement chez l’homme, des défis techniques (pour réaliser le haut débit) doivent être encore relevés. Pour cela nous collaborons avec le meilleur de la physique mondiale : les physiciens d’accélérateurs du CERN en Europe, du PSI en Suisse et du SLAC aux USA. Nous progressons en parallèle vers des essais « cliniques » en traitant des animaux de compagnie (chats et chiens) malades de cancer en collaboration avec les vétérinaires. Aujourd’hui, de nombreuses équipes à travers le monde ont suivi cette nouvelle approche et notre communauté scientifique a pu montrer l’intérêt de la FLASH-RT dans plusieurs modèles précliniques (en recherche fondamentale). Enfin, nous travaillons avec enthousiasme dans mon laboratoire à la compréhension des mécanismes (« comment ça marche ») afin que la FLASH-RT puisse dans un avenir proche être proposée aux patients atteints de cancer dans les meilleures conditions de sécurité et d’efficacité.