Comment gérer une plaie chronique de la face survenue sur une séquelle cutanée radio-induite ancienne… et l’apport de solutions conservatrices !

En 1967, alors que j’étais adolescent (15 ans), j’ai été traité pour un sarcome embryonnaire du visage (en arrière de la joue gauche) avec une chirurgie limitée de la face, suivie de chimiothérapie intensive puis de curiethérapie. Cette dernière a consisté en l’insertion d’une source d’iridium (matériel radioactif local) dans des gaines en plastique qui ont traversé ma joue pendant 8 jours, et qui a provoqué une brûlure immédiate des tissus de cette zone avec une suppuration importante qui a gêné mon alimentation, mais aussi la formation de croûtes épaisses externes sur la peau. Les effets de cette brûlure ont disparu peu à peu par des soins locaux, mais des effets à plus long terme ont commencé à se manifester malgré la satisfaction de la guérison obtenue !

Ces effets secondaires progressifs ont été d’ordre esthétique, avec l’apparition de marbrures sur une peau de plus en plus dure et fragile et d’une déformation progressive de l’os de la mâchoire situé en-dessous, dont la croissance n’était pas achevée. Les effets ont été également fonctionnels, avec l’apparition de brides épaisses tendues à l’intérieur de la joue gênant l’ouverture de la bouche (et tirant la lèvre sur le côté), tandis que les muscles de la joue fondaient, se transformant progressivement en une sorte de peau de tambour sans souplesse qui m’empêchait d’ouvrir la bouche et de pratiquer une parfaite hygiène dentaire.

Ainsi les soins dentaires ont été rendus difficiles, avec en quelques années une dégradation de la gencive, devenant inquiétante lorsque de l’os a été mis à nu et que mes dents ont commencé à bouger. L’état de ma joue n’était pas trop bon non plus, car outre le « sourire » modifié pendant plusieurs années, j’ai présenté une inflammation de la peau suivie d’une fistulisation (communication entre l’extérieur et l’intérieur de la joue par un trou) qui a été soignée à l’époque par de simples traitements antibiotiques successifs, mais qui n’auguraient rien de bon.

En 2013, alors âgé de 61 ans (et 46 ans après cette radiothérapie), lors d’une conférence sur les effets à long terme des traitements contre le cancer, j’ai rencontré le trésorier de l’association des Aguerris (association dédiée au suivi des cancers de l’enfant), patient lui-même porteur de séquelles liées à une radiothérapie de l’enfance. Il m’a indiqué le travail du Dr Delanian qui le suivait à ce sujet.

Lors de la consultation, le Dr Delanian m’a été proposé un traitement antifibrosant PENTOCLO, que j’ai suivi de 2013 à 2017, et qui a eu un effet spectaculaire sur ma santé : en 3 ans, l’os de ma mâchoire supérieure (maxillaire) s’est redensifié, l’état de ma gencive s’est amélioré avec des dents moins mobiles, et les brides à l’intérieur de ma joue ont disparu.

Il était temps, car juste avant ce traitement PENTOCLO, j’avais dû me faire arracher deux dents qui bougeaient à l’IGR. Ces extractions dentaires ont été complétées par une chirurgie de couverture par lambeau muqueux afin de prévenir une communication bucco sinusienne, source potentielle de grosse complication infectieuse.

Enfin début 2020, lors d’un examen de routine, ma dermatologue de ville a remarqué une lésion cutanée évoquant un carcinome basocellulaire radio-induit sur ma joue gauche, et a demandé une biopsie pour en avoir le cœur net. Bien heureusement, cette biopsie de joue s’est révélée négative (pas de cancer), mais a provoqué une plaie avec retard de cicatrisation de ma joue (fistule qui ne se refermait plus).

Le Professeur DELANIAN consultée alors à ce sujet, m’a remis sous traitement PENTOCLO pour activer la cicatrisation. Au bout d’un an environ, après amélioration déjà bien nette, elle m’a recommandé de compléter ce résultat avec un lipofilling car, même cicatrisé, le déficit de tissu était très important. Le lipofilling (injection de graisse prélevée au niveau de la peau du ventre, donc de cellules fraiches non irradiées, puis après centrifugation, réinjectée là où cela peut être nécessaire) a été réalisé par une chirurgienne maxillo-faciale de l’IGR en janvier 2021. Un peu plus d’un mois après, le résultat était presque parfait. Une deuxième injection de lipofilling devrait consolider la première car les cellules injectées delà première injection se fondent souvent dans les tissus qui manquent encore d’épaisseur. La plaie fistulisée est aujourd’hui complètement refermée, ma joue semble avoir retrouvé un état local bien meilleur et je suis très satisfait.

Bernard C.

Mars 2022